En l’absence de fidèles en raison de l’épidémie de Covid-19 — diffusée en vidéo et à la radio RCF
Frères et Sœurs, qui nous regardez sur le site Internet ou qui nous écoutez sur RCF,
Je ne ferai pas aujourd’hui le geste du lavement des pieds comme nous le faisons chaque année dans cette liturgie, afin de ne pas propager le coronavirus, mais nous venons d’écouter ce passage d’Évangile. Le signe est là tout de même et la manière avec laquelle Jésus accomplit ce geste tout simple lui donne une force extraordinaire.
D’abord parce que c’est le dernier repas de Jésus. Il sait qu’il va être arrêté et mis à mort. Il ne s’évade pas comme il aurait pu le faire, il va jusqu’au bout par amour. Ce qu’il dit et ce qu’il fait au cours de ce repas peut être considéré comme le testament spirituel qu’il laisse à ses disciples.
Selon les pratiques de l’époque, le lavement des pieds devait être fait par un serviteur avant que les convives se mettent à table. Or là, c’est au milieu du repas que Jésus fait ce geste et c’est le maître qui se fait serviteur. Ce geste est totalement incongru, et même très choquant. Il n’est pas étonnant que Simon-Pierre soit scandalisé : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »
De fait, Celui qui accomplit ce geste n’est pas n’importe qui. C’est Dieu lui-même qui, en Jésus, lave les pieds de ses disciples. Frères et Sœurs, ce geste nous concerne. Dieu se met à genoux à nos pieds pour se mettre à notre service. Il ne nous regarde pas d’en haut, mais il nous regarde d’en bas, comme le serviteur. Il manifeste pleinement son amour en se faisant le serviteur de tous et en donnant sa vie sur la croix pour nous délivrer de nos péchés et de la mort.
Dans le message final, Jésus s’adresse à ses disciples, mais aussi à nous, c’est le cœur de son testament spirituel : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Nous devons accueillir ce message dans toute sa profondeur. Jésus nous invite à nous aimer les uns les autres d’un amour qui va au-delà du consensuel.
Un amour qui pardonne. En lavant nos pieds, il nous purifie de nos péchés pour que nous soyons à même de marcher à sa suite. Il nous appelle ainsi à nous pardonner mutuellement lorsque nous avons des reproches à nous faire. Le pardon demandé et reçu est une belle manifestation de l’amour et nous savons à quel point le Seigneur y attache une grande importance puisque c’est un élément essentiel de la prière du Notre Père.
Un amour qui se met résolument au service des autres. Service généreux, gratuit. Il ne s’agit plus de l’amour au sens seulement sentimental, affectif, mais d’un amour qui nous engage vraiment, et qui nécessite des sacrifices, des renoncements. Il n’y a pas d’amour sans don de soi.
Un amour qui va « jusqu’au bout », car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Cela peut nous conduire jusqu’au don du sang. C’est un appel à une générosité sans faille et à une fidélité totale.
Ce geste et ces paroles de Jésus résonnent d’une façon particulière dans le contexte actuel de pandémie de coronavirus. Une épreuve qui touche tout le monde d’une manière ou d’une autre et dont nous n’avons pas encore mesuré les conséquences. Mais cette épreuve nous fait entrer dans un combat spirituel dont nous pouvons sortir vainqueur. Celui que Jésus a affronté en luttant au désert contre Satan qui voulait l’entraîner contre son gré à prendre soin de lui… sans prendre soin des autres.
D’un côté, nous voyons tous les jours à la télévision ceux qui prennent des risques pour se mettre au service des autres. Je pense aux soignants qui sont en première ligne, mais aussi à ceux qui nous servent d’une manière ou d’une autre pour que nous puissions continuer à vivre. Nous les applaudissons, nous sonnons les cloches pour eux, et c’est juste.
Mais il y a aussi, ceux qui se referment sur eux-mêmes, qui ont peur. Une peur qui amène certains à la violence, qu’elle soit physique ou verbale. Je pense à ceux qui écrivent des lettres anonymes aux soignants ou aux pompiers pour qu’ils aillent habiter ailleurs.
Nous sommes peut-être un peu des deux, car nous pouvons tous avoir peur. Il s’agit vraiment d’un combat spirituel qui met à l’épreuve notre conscience. Et ce combat, nous ne pouvons pas le vivre seuls. Jésus avait bien dit : « Priez pour ne pas entrer en tentation. » Nous avons besoin de sa lumière et de sa force pour nous engager vraiment à sa suite, nous arrachant à notre égoïsme pour nous mettre au service des autres.
Cette lumière et cette force, nous les puisons pleinement dans le sacrement de l’Eucharistie, que Jésus a institué au cours de ce même dernier repas. St Paul dit : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne. » Ce don que Jésus a fait sur la croix, il continue de le faire pour nous à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie.
Lorsque nous venons à la messe, nous nous rendons disponibles pour accueillir ce don extraordinaire que Jésus nous fait. En communiant à son Corps ressuscité, il nous rend participants de sa vie qui est plus forte que la mort.
Dans la période actuelle de confinement, vous suivez la messe sur vos écrans ou à la radio sans pouvoir communier. Que cette épreuve nous donne l’occasion de méditer sur la grandeur de ce geste que nous posons en venant communier. Et si vous avez délaissé la messe, l’occasion de redécouvrir, lorsque le confinement sera levé, ce don magnifique que le Seigneur nous fait.
« Voici comment nous avons reconnu l’amour. Lui, Jésus a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. » (1 Jn 3, 16). AMEN
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon